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Rétrospective Resident Evil

Au fil des ans, Resident Evil est devenu l’une de mes licences favorites. Et pour mon plus grand bonheur, c’en est une qui n’a jamais cessé de sortir des jeux. On parle d’environ 23 jeux depuis 1996, ce qui est à peu près équivalent au nombre de jeux Assassin’s Creed dans un laps de temps beaucoup plus court. Rassurez-vous, on ne va pas parler des 23 jeux, ni même de tous les jeux de la série principale. Ce qui m’a intéressé en préparant ce sujet c’est l’arrivée très prochaine du remake de Resident Evil 4, et qu’en refaisant un run du 8 grâce au mode tps que j’ai trouvé très agréable, je me suis posé la question des évolutions de la série. Comment par exemple est-on passé du 3 au 4, avec une telle différence de formule et 7 ans plus tard du 6 au 7 avec le même genre de changements radicaux ?

Ouais, je mets du RE6 en première image, vous allez faire quoi ?

Comme vous le savez peut-être, chaque mois je participe au podcast : le Klub Moutarde, en compagnie de Foine qui a le courage de faire le montage et de Dehell qui s’occupe des bannières. Pour ma part, je ne fais que préparer un sujet qui me plaît. Alors avec l’aval de mes compagnons, j’ai décidé de publier ici chaque mois l’un des sujets plus ou moins ancien préparé initialement pour le podcast. Si celui-ci vous intéresse, vous pouvez rendre le sujet plus vivant en allant nous écouter, ce qui est plus interactif (Foine et Dehell réagissant ou posant des questions). Dans ce cas, il s’agissait de l’épisode 32 : Comme la police et les docteurs.

Resident Evil, premier du nom

A ses tout débuts, Resident Evil arrive comme le nouveau représentant d’un genre : le survival horror. Il n’est pas le premier de sa catégorie et reprendra grandement la formule d’Alone in the Dark avec des caméras fixes dans des environnements pré-calculés et un mélange exploration/énigme/action. En sortant sur PS1 plutôt que sur PC, Resident Evil s’adresse peut-être à un public moins niche que son homologue, ce qui expliquerait la différence de succès (sans pour autant qu’Alone in the Dark soit un échec) et globalement c’est une formule qui est encore nouvelle. C’est aussi l’opportunité pour Capcom et plus particulièrement le producteur du jeu de reprendre un de leurs jeux sorti sur Snes, à savoir Sweet Home, d’en reprendre la base et de l’affiner, la PS1 offrant plus de possibilités. Il y a beaucoup d’histoires sur le premier Resident Evil : histoires de joueurs et de développeurs comme celle du réalisateur Shinji Mikami qui a avoué avoir hésité à travailler sur le jeu parce qu’il détestait avoir peur.

Le remake du premier est toujours un titre impressionnant et angoissant.

Globalement puisqu’on en parle, oui, Resident Evil premier du nom et son remake font peur. Les caméras fixes permettent de gérer parfaitement ce que le joueur peut ou ne peut pas voir, les temps de chargement avec ces portes iconiques s’ouvrent très lentement en grinçant, le simple postulat du manoir gothique infesté de zombies et autres créatures en tout genre est efficace, à une époque je le rappelle où le zombie n’a pas encore perdu de sa superbe. Tout ça fait peur. J’ai fait l’aventure uniquement avec son remake de mon côté et franchement sur le tard (en 2014 je crois) et j’avais déjà été très surpris d’être constamment inquiet. Parce que la peur, dans un jeu, peut se manifester de différentes façons. Trois ans plus tard sur PS1 arrivera le premier Silent Hill, bien moins spooky, et bossant bien plus une imagerie angoissante ainsi que des éléments psychologiques, loin de l’ambiance du jeu de Capcom. Resident Evil fait naitre la peur de façon bien plus terre à terre, grâce à une tension constante lié à cette vue limitée, ou ces munitions limitées, évidemment aussi quelques jumpscares. Ce dernier point semble facile aujourd’hui, un procédé éculé, mais en 1996 Resident Evil les bosse soigneusement, notamment grâce au fait que c’est un jeu finalement bien plus calme qu’on pourrait le penser quand on ne connaît pas.

La formule initiale

Je ne sais pas vous, mais moi, j’entends la musique de cette image.

La formule qui sera posée dès le premier sera appliquée par tous les épisodes de la série principale jusqu’en 2002 avec la sortie de Resident Evil 0 et surtout Resident Evil Remake sur Gamecube dont j’inverse volontairement l’ordre de sortie pour symboliser la fin de la boucle. De 1996 à 2002, on a donc eu RE1, 2, 3, Code Veronica et Zero qui utilisent avec plus ou moins de succès la formule. Une formule pour le dire grossièrement de Metroidvania en 3D. On se retrouve dans un environnement plus ou moins grand en huis-clos (le manoir dans le 1 ou le commissariat dans le 2) et l’on doit déverrouiller les multiples chemins grâce à différentes clés, outils ou à travers des puzzles. Ces jeux, pour moi, avant d’être des jeux d’horreur ou survival sont avant tout des jeux d’exploration, et c’est dans cet aspect que je trouve le plus mon bonheur. Il y a un truc très jouissif à trouver un item qui va servir à débloquer un endroit qui était fermé une heure plus tôt. C’est de l’exploration parce que ça fait appel à nos souvenirs et c’est souvent remarquablement bien construit pour nous faire faire du backtracking sans tomber dans l’excès. D’autant plus que ces allers-retours servent moins à allonger superficiellement la durée de vie qu’à pousser le joueur très naturellement à mieux appréhender l’environnement et se repérer instinctivement.

Le 2 applique cette recette à la perfection et la progression dans la map se fait naturellement et avec plaisir. Plus que dans le premier à mon sens qui est parfois un peu trop cryptique. C’est probablement mon épisode préféré de cette ère aussi pour sa générosité avec ses deux campagnes plus ou moins complémentaires. Ceci dit c’est aussi un titre qui nous envoi beaucoup plus de zombies et autres joyeusetés au visage et qui en conséquence fait moins peur.

La carte du remake du 2 qui indique dorénavant si une pièce a été entièrement fouillée ou non.

Le 3 quant à lui remet si ce n’est la peur, un sentiment de stress presque constant grâce à la présence du Nemesis, un ennemi redoutable et immortel qui nous poursuit tout au long de l’aventure. Si cette idée se marie parfaitement avec le level design bien plus étendu que représentent les rues de la ville en feu ; le cœur de la formule à base d’allers-retours, moins. C’est le premier épisode que j’ai d’ailleurs trouvé un peu laborieux vers la fin de sa première moitié à cause de ça. Dans les deux premiers quand on doit passer d’une pièce A à B, on traverse un ou deux couloirs rapidement. Dans le 3, les pièces A et B deviennent des bâtiments A et B et sont séparés par de longues ruelles. Toujours est-il que c’est un épisode intéressant ne serait-ce que pour l’évolution d’échelle de la série. On passe d’un manoir dans le 1, à un commissariat et ses environs dans le 2, à une ville entière dans le 3.

L’action contre la peur

Une échelle qui s’agrandit et qui annoncera, même en 1999 avec RE3, la plus grande linéarité de la saga, même si avant elle passera par Code Veronica : un épisode controversé que je n’ai pas fait pour le coup et que je ne suis pas sur d’avoir envie de faire. Le Zéro par contre est un chouette épisode en mode rab, malgré sa gestion d’inventaire éprouvante et a de bonnes idées de fausse coop’. Coop’ qui là encore semblait devenir évidente au fil du temps tant elle était annoncée dès les premiers épisodes avec la volonté de nous faire jouer deux personnages dans des campagnes différentes.

Les trolls du Seigneur des Anneaux, ça fait pas super peur.

Mais tout ça nous emmène vers une formule qui déjà avec le 3 amorçait un virage plus action et qui se confirmera totalement en 2005 avec un bouleversement total, l’inévitable Resident Evil 4, de nouveau dirigé par Shinji Mikami. Un jeu qui n’a plus rien à voir avec avant. Orienté action, avec une caméra à l’épaule et finalement le premier TPS avec une vue et une visée faite ainsi. Surtout un jeu bien plus linéaire, où les allers-retours sont absents et dans lequel on ne fait qu’aller de l’avant. Je ne vais pas revenir sur le titre plus longtemps. On sait à quel point RE4 est important. A l’instar d’un Half Life, c’est un jeu qui a créé un genre et qui l’a concrétisé à lui tout seul. Alors certes, la tremblote de Léon et le fait de ne pas pouvoir tirer en se déplaçant en font un jeu un peu plus rigide aujourd’hui, mais passé ça, c’est une aventure qui ne cesse de se renouveler mécaniquement, ne serait-ce que dans ses 2 premières heures. Personnellement ce n’est pas mon préféré justement parce que je trouve qu’il traîne beaucoup trop en longueur mais ça reste un modèle du genre. Savoir se réinventer à un stade où l’on stagne, Resident Evil n’est pas le seul à l’avoir fait, mais le faire en influençant au passage toute l’industrie, c’est quand même un exploit assez rare.

Un exploit que Capcom réiterera avec certes moins de panache des années plus tard en 2017 avec Resident Evil 7. Petite ellipse de 12 ans ? Pas tout à fait. Pour certains, dont je ne fais pas partie, en 2017, la licence est morte et enterrée. On sort de Resident Evil 5 qui n’innovait pas du tout et recopiait la recette de son prédécesseur et de Resident Evil 6 conspué à tous les égards alors qu’il est un festival de générosité tant dans son gameplay que dans son histoire over the top. Ce dernier s’accompagne cependant aussi de toutes les tares de sa génération à savoir des scripts relous partout, du poussage de stick inintéressant dans son premier quart d’heure et des QTE injustes. Mais plus le temps passe, plus le jeu demeure excellent en coop’ et véritablement marrant à jouer. Je le confirme pour l’avoir relancé très récemment. Il est à mon sens l’un des tout meilleurs tps de sa génération. Le 5 n’a pas à avoir honte non plus (sauf de son imagerie). Sans être génial, il est également un chouette jeu à faire en coop’ et ne cesse de se renouveler dans ses situations de combat à l’instar du 4.

Les épisodes 5 et 6 sont toujours de chouettes jeux coop’.

Mais le public a décidé qu’avec ces deux derniers épisodes, la saga ne faisait plus peur. Or, le 4 ne faisait déjà plus peur, or les épisodes 2 et 3 ne sont pas spécialement effrayants non plus. La saga Resident Evil a beau être née dans l’horreur, elle ne l’est pas restée longtemps. Ce que font Resident Evil 5 et 6, à savoir des jeux d’action, blockbusters, à la mise en scène jouissive et décomplexée, ils le font bien. C’est ce que Capcom voulait faire à cette époque, et ça n’a rien de honteux. Pour moi, le problème réside justement dans des titres qui se veulent revenir à une ambiance plus horrifique et claustrophobique comme les deux Revelations. Sans être des mauvais jeux, en tout cas à leurs sorties, ils se révèlent juste être aujourd’hui la preuve que Capcom n’avait plus aucune idée de ce qui faisait le succès de leur formule originale ou comment remettre en scène la peur. Des titres un peu lourdaux avec un premier qui ne cesse d’interrompre son exploration pourtant en huis clos dans le premier Revelations et un second poisseux dans l’ambiance mais qui se révèle franchement rompiche pour citer les grands philosophes de notre temps.

La réconciliation des genres

Ainsi donc, si Resident Evil 7 n’a pas le même impact que le premier ou le 4, il a tout de même la lourde tâche de renouveler à nouveau la série dont le public se lasse. En se positionnant sur la sortie annulée de Silent Hills et de succès horrifiques comme Outlast ou Saw au cinéma avec une idée d’escape room, RE7 laisse penser qu’il va se tourner vers une frayeur plus sombre qu’auparavant, plus gore aussi. Au final, si ces inspirations sont évidentes, le tour de force de ce 7ème épisode, c’est d’avant tout puiser dans la saga Resident Evil. C’est-à-dire que passé son introduction train fantôme, poisseuse, gore et tout ce que vous voulez, RE7 revient à ses fondamentaux avec au cœur de son gameplay : l’exploration. Le changement de caméra, dorénavant en fps, permet à Capcom de gérer, comme à l’époque de RE1, le stress, ce qu’on ne voit pas, moins pour faire des jumpscares (qui sont là encore peu nombreux) mais pour faire monter la tension. C’est aussi un objectif longtemps désiré sachant que le premier Resident Evil était à la base pensé avec une vue à la première personne.

Petit esprit Sam Raimi que j’aime tout particulièrement.

Et on peut parler de l’écriture qui, je sais, ne convainc pas grand monde. Le scénario et les dialogues de RE7 sont ridicules. On incarne un personnage complètement déconnecté des horreurs qu’il vit et la famille Baker, les antagonistes de cet épisode, sont bien loin d’essayer de faire de l’horreur psychologique (ce qu’on aurait pu attendre de Silent Hills) mais sont bien plus déjantés. Ils se plante des fourchettes dans les mains, essayent de nous écraser en voiture, nous coupent la main à la tronçonneuse. C’est barré, déjanté. Ce n’est pas de l’horreur qui va nous rester en tête en allant nous coucher mais celle qui nous surprend et nous fait rire une fois l’évènement arrivé. Tout ça en restant finalement dans le prisme de l’horreur, parce que je le redis, le titre sait gérer sa tension. Dans le 8 (aussi appelé Village), qui est au 7 ce que le 2 était au premier (c’est-à-dire une évolution qui reprend les mêmes bases), on affronte l’un des derniers boss avec un tracteur transformé en tank avec tronçonneuse et lance-roquette, aux côtés d’un Chris Redfield qui nous explique tous les liens de cet épisode avec les premiers, comme si le lore de Resident Evil était super important pour les joueurs. Il ne l’est pas, mais il l’est pour Capcom qui fait l’effort de connecter chaque épisode avec une attention que personne ne leur demande, et ça j’apprécie énormément. En fait, en refaisant RE Village tout récemment, ces histoires de mains coupées, d’Ethan qui ne réagit face à l’horreur qu’avec des « oh shit », ces loups-garous, vampires, sorcières, zombies mécaniques et autres joyeusetés, ça m’a évidemment fait rire, et j’ai réalisé que j’aimais ça. Non seulement parce que ça désamorce l’aspect véritablement horrifique des jeux, ce qui me permet de les faire, mais aussi parce que j’ai eu le sentiment de jouer à une superbe adaptation de Evil Dead de Sam Raimi. Une saga également horrifique mais qui construit aussi sa peur sur un aspect cartoonesque, comique, déjanté.

Cette séquence me fume tellement.

J’ai longtemps cru que l’écriture de Resident Evil me faisait rire parce que j’avais l’impression de voir du blockbuster américain écrit par des Japonais. Il y a un peu de ça, mais il y a aussi une vraie conscience de ce qu’ils font et de ce qu’ils ne savent pas faire. Ils ne savent pas faire Outlast ou P.T., alors certes ils vont faire une introduction qui va y ressembler ou la séquence du manoir Beneviento dans Village, mais ça retombera toujours dans du Resident Evil, qu’on aime, ou non, et j’aime qu’ils en soient conscients et fiers. Ça vaut aussi pour les remakes récents du 2 et 3, qui là aussi sont d’excellents jeux (le 2 en particulier) qui nous mettent face à Léon et Claire qui flirtent avec les pires catchphrases du monde à côté de zombies qui tapent à la grille.

Bref, je me suis un peu égaré sur l’écriture, mais c’est un élément important qui fait partie de la saga et qui contribue à lui donner son identité, moins pour le lore que pour son ton. Saga qui sur cette dernière génération a retrouvé tout son prestige. Resident Evil 8 sonne d’ailleurs comme une réconciliation de toute la série. Il emprunte autant à l’horreur Outlastienne du 7, qu’à l’action tendue du 4, qu’à l’exploration satisfaisante des premiers, sans oublier le n’importe quoi over the top des 5 et 6. C’est un super jeu, mais c’est aussi le signe que la saga va de nouveau devoir se renouveler, comme avant le 4, comme avant le 7. Le RE Engine a fait des merveilles, mais le moteur manque aujourd’hui de physique, d’interaction. Je ne suis pas sur que le remake du 4 signe ce renouveau, puisque je doute un peu de sa pertinence contrairement aux 2 et 3. Peu importe, je le ferai avec plaisir, comme une sucrerie en attendant le prochain épisode numéroté qui, j’espère, emmènera la série vers de nouveaux horizons, sans jamais perdre son identité. C’est ça la vraie prouesse de la saga.

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