Comme vous le savez peut-être, chaque mois je participe au podcast : le Klub Moutarde, en compagnie de Foine qui a le courage de faire le montage et de Dehell qui s’occupe des bannières. Pour ma part, je ne fais que préparer un sujet qui me plaît, en essayant de le faire avec un minimum de soin, de recherches et d’investissements, malgré les contraintes logiques (ne pas dépasser la trentaine de minutes). Or, j’ai aussi ce blog, souvent délaissé, occasionnellement déterré, quand l’envie me prend de refaire tous les Sonic 3D par exemple. Alors avec l’aval de mes compagnons, j’ai décidé de publier ici chaque mois l’un des sujets plus ou moins ancien préparé initialement pour le podcast. En plus de relancer un petit peu la vie de ce blog, ça me permettra aussi de tout regrouper dans un endroit unique qui pourra me servir « d’archives ». Sachez cependant, que passé l’introduction, vous retrouverez à chaque fois un paragraphe de ce type pour vous prévenir que le sujet apparaissait dans tel ou tel épisode du Klub Moutarde. Si celui-ci vous intéresse, vous pouvez le rendre plus vivant en allant nous écouter, ce qui est plus interactif (Foine et Dehell réagissant ou posant des questions). Dans ce premier cas, il s’agissait de l’épisode 31 : le jour de la carotte.

Aujourd’hui on va combiner en un sujet toutes les qualités d’une bonne chronique du Klub Moutarde (je vous ai prévenu, ça a été préparé pour le podcast), à savoir la redite et l’approximation. J’ai envie de vous parler de Ultimate Spider-man. Une série de comics qui a été publiée aux Etats-Unis de 2000 à 2011. Sauf que pour parler de Ultimate Spider-man, il faut forcément que j’évoque même brièvement cet univers « Ultimate » et c’est là-dedans que se feront à la fois la redite et l’approximation puisqu’en dehors de Spider-man je n’ai lu que Ultimate Super-Héros qui faisait partie d’une opération printemps des comics à 6€ et dont je vous avais déjà parlé, plutôt en mal, il y a un peu plus d’un an. Je me suis renseigné ceci dit, étant donné qu’il existe tout plein d’articles anglais qui parlent de cet univers Ultimate et notamment son échec…
L’univers Ultimate

Ouuuuh teasing… A l’origine donc on est au tout début des années 2000 quand Marvel voit une baisse de fréquentation dans la lecture de ses comics. Financièrement ils sont carrément dans le rouge et proche de mettre la clé sous la porte. Il faut dire, par exemple, que Spider-man se remet doucement de l’arc La saga du clone qui l’a malmené et globalement la plupart des Super-héros de la firme sont sur le déclin. Oui, sauf qu’au cinéma, en 1999, on a vu arriver avec un certain succès le premier film X-men, et que Spider-man lui-même est sur le point de sortir avec le succès qu’on lui connaît. Le succès au cinéma, c’est super, mais comment attirer ce potentiel nouveau public vers les comics alors que bien souvent même en 2000, c’est déjà un sacré bordel ? On ne savait jamais trop où commencer, les récits des X-men avaient déjà eu plein de mutations (ohohoh) et les comics des années 60 sont forcément un peu démodés dans le ton ou l’écriture. De mon côté c’est pourtant comme ça que j’ai lu mes premiers Spider–man enfant et ça avait toujours énormément de charme, mais je peux comprendre la crainte de l’éditeur.
Ultimate se révèle donc être une tentative de modernisation d’un certain nombre de saga Marvel pour attirer ce nouveau lectorat. Sauf que…ben ce n’était pas ouf pour le dire savamment. D’un côté, on a eu la relecture des Avengers (donc nommé ici les Ultimates) et des X–men qui se voulaient plus contemporains avec des problématiques de société moderne, un ton plus sérieux, avec même forcément le trauma du 11 septembre qui plane sur les publications. Mais le résultat, c’est à la fois des intrigues qui se sont complètement perdues et des personnages qui se sont éloignés de ce qu’ils devaient être. C’est bien là la difficulté des reboot : comment garder l’identité d’une licence tout en faisant différemment ? Ici avec les Ultimates on a donc eu deux ou trois origin stories différentes pour Iron Man, un Captain America un peu facho écrit au premier degré, un Hulk obsédé sexuellement par Betty Brant et un Hank Pym qui battait sa femme, soit des personnages franchement antipathiques, ce que j’avais déjà ressenti sur le comics dont je vous avais déjà parlé. Du côté des X-men ce n’était pas forcément plus glorieux, avec des débuts prometteurs suivis d’intrigues franchement jugées très limites apparemment un peu misogynes ou homophobes. Tout ça reflète la volonté de Mark Millar d’insérer des sujets plus contemporains mais en plus de s’éloigner de l’identité des personnages, ce n’était peut-être pas la meilleure façon d’attirer un nouveau lectorat. De ce que j’ai lu, en réalité, les personnages ne sont pas forcément écrits au premier degré, c’est juste qu’il voudrait en faire une version nihiliste.

De l’autre côté, il y avait les 4 fantastiques version Ultimate qui respectait bien plus son penchant du côté des publications de l’univers classique… Voir même un peu trop. En fait, en dehors de l’époque, c’était quasiment la même chose. Les 4 fantastiques obtenaient leur pouvoir à peu près de la même façon, leurs ennemis étaient à peu près les mêmes, leurs relations étaient aussi à peu près similaires. Du coup quel intérêt ? Si j’ai bien compris, ça finira quand même par partir en sucette avec un Reed Richards qui deviendra méchant et un crossover avec Marvel Zombies, mais dans l’ensemble je n’ai pas eu l’impression que les lecteurs avaient trouvé tout ceci mémorable.
Qui plus est, en parallèle de ces problèmes, on voit aussi l’univers Marvel classique avoir un regain de qualité vers le milieu/fin des années 2000. Au hasard, on peut citer l’arc de Brian Michael Bendis sur Daredevil, ou encore celui de Brian Michael Bendis sur les nouveaux Avengers. Mais bon il n’y a pas que du Bendis. Du côté de Spider-man, Joseph Michael Straczynski confirme la règle du deuxième prénom Michael en signant un arc à la fois novateur et fidèle au personnage. On verra aussi naître Civil War au bout de tout ça qui connaîtra un sacré succès. Face à un tel regain, l’intérêt des Ultimate s’en trouvait diminué.
Ultimate Spider-man
Pourtant malgré cet échec, un super-héros a su tirer son épingle du jeu. Celui par lequel tout l’univers Ultimate a commencé en 2000, à savoir Spider-man par le plusieurs fois nommé maintenant Brian Michael Bendis. Ça raconte l’histoire de Peter Parker un lycéen lambda qui lors d’une sortie scolaire se fait piquer par une araignée génétiquement modifiée. Etc. Vous connaissez l’histoire : l’oncle Ben qui meurt, les grands pouvoirs et les responsabilités, MJ et Gwen Stacy, le bouffon vert, Docteur Octopus, … Et c’est étrangement une grande qualité de Ultimate Spider-man : vous connaissez l’histoire. Ça permet donc de les redécouvrir, alors certes modernisé mais modernisé en l’an 2000 donc ça a déjà vieilli aujourd’hui. Pas du tout en termes de rythme, attention, mais au niveau de la mode, des expressions, de la technologie. Au début, dans les premiers tomes, il y a un vrai plaisir à relire l’origin story et en même temps découvrir les réinterprétations des personnages. Comment Norman Osborn devient le bouffon vert, et Octopus ? Pourquoi J. Jonah Jameson va détester Spider-man ?
C’est souvent très réussi, mais ça ne peut pas suffire. En se reposant uniquement sur ce procédé de redécouverte, la saga se serait essoufflée probablement comme les autres de l’univers Ultimate. Non, ce qui fait qu’on reste sur Ultimate Spider-man et qu’on continue à lire, c’est que malgré la modernisation, malgré le style graphique radicalement différent, ou les origines différentes des vilains, c’est Spider-man. C’est l’humour de Spider-man, les problématiques de Spider-man, les drames de Spider-man. Bref, c’est tout pareil mais différent. Pourquoi ce n’est pas redondant avec les comics originaux ? C’est là que tout mon talent d’argumentation peut s’exprimer parce que… je ne sais pas. C’est juste cool. C’est le juste milieu impeccable entre différences et fidélité, et j’ai retrouvé un pur plaisir d’enfant à redécouvrir des aventures d’un autre Spider-man.
C’est un récit qui a énormément de cœur. C’est moins axé sur les problèmes d’argent de Peter comme dans les années 60 ou dans les films de Sam Raimi mais c’est présent. On retrouve aussi et surtout la crainte de voir son identité secrète révélé, ainsi que la crainte de perdre celles et ceux qu’il aime. Tout le début de sa relation avec Mary Jane à ce propos est notamment très émouvant. D’ailleurs on retrouve aussi un vrai sentiment de solitude lié à ses responsabilités et le fait que ça l’isole. Sauf que Bendis aime trop son Spider-man et veut malgré tout garder une légèreté tout au long des 11 ans de parution. Ainsi donc, si sa solitude lui pèse face à d’autres héros comme les 4 fantastiques ou les Ultimates, le sentiment qui prime aussi c’est celui de ne pas se sentir à la hauteur. Le sentiment de solitude, lui, disparait petit à petit en se liant d’amitié avec Johnny Storm, la torche humaine, en sortant avec Kitty Pride des X-men, en formant un groupe de Super-héros le temps de faire tomber le Caïd avec Daredevil et d’autres. Dans les derniers tomes, non seulement tous ses proches connaissent son identité secrète mais en plus, beaucoup d’entre eux vivent carrément sous le même toit, ce qui mène à des situations comiques, mais est surtout une belle et heureuse évolution du personnage.
Tout n’est pas parfait. Il y a des arcs plus ou moins réussis. Je trouve d’ailleurs très audacieux d’avoir voulu refaire une saga du clone propre à cet univers et d’en avoir profité pour se permettre absolument tout et n’importe quoi. C’est à la fois grotesque, drôle, rythmé, un récit anniversaire et parfois même un peu touchant, avec un vrai tournant dans l’évolution de Peter. Il faut dire aussi que même lorsqu’un arc est un peu plus faiblard, tout va beaucoup plus vite. Il n’y a pas 50 ans de comics à raconter, la saga Ultimate n’en propose que 10. Et je pense que Bendis savait que ça n’allait pas s’éterniser, et que dans tous les cas il avait prévu une fin. Après comme dans les comics originaux la gestion du temps est très particulière parce que tout au long de ces 11 ans de parution, Peter Parker n’aura grandi que de 1 ou 2 ans à peine. C’est un élément spécifique à Marvel, qui est un peu frustrant mais qui se tient ici justement parce que l’auteur sait dans quelle direction aller ; contrairement à l’univers original dans lequel Peter ne prend que 10 ans en 50 ans de parution parce que la compagnie était frileuse à l’idée de faire des changements radicaux.
Bref, Ultimate Spider-man c’est très bien et même si je préfère les premiers tomes aux derniers, ça garde une vraie consistance tout au long de l’aventure. Aventure illustrée pendant 7 ans par Mark Bagley qui amène son style qui se marie parfaitement à l’univers. Les dessins sont détaillés, mais les personnages ont un style presque cartoonesque avec des formes exagérées que ce soit pour rendre le Caïd très imposant ou Spider-man très agile et extrêmement fin. Si ça peut déplaire au tout début quand on découvre le style, on comprend bien vite que celui-ci est parfait pour donner une impression de mouvement constant dans les cases. Et bien sûr cette qualité se manifeste d’autant plus dans les séquences d’action, à la fois lisibles et dynamiques. Malheureusement, si Bagley revient illustrer les toutes dernières parution d’Ultimate Spider-man concluant ainsi parfaitement la saga, ses successeurs n’ont jamais réussi à l’égaler. Stuart Immonen tâche de garder un style assez similaire pour que le design des personnages ne soit pas radicalement changé, et il garde ce talent pour illustrer l’action, ce qui permet une transition en douceur pour le lecteur, mais on perd quand même un peu l’identité visuelle de la saga. C’est encore plus le cas avec David Lafuente dont les trais sont à la fois plus cartoon et un peu inspiration manga, avec des environnements moins détaillés et des visages trop expressifs. J’aime beaucoup moins, ça fait plus numérique, plus impersonnel, et aussi plus « teenagers ». En revanche, ça ne colle pas mal avec la période qu’il illustre, bien plus centrée sur les relations de Peter. Malgré tout, dans l’ensemble, la plus grosse période est brillamment illustrée par Mark Bagley et très justement coloré aussi avec des tons très saturés qui se marient à l’écriture légère et enthousiaste de Bendis.
Réussites, fin et héritage
Comprendre comment se conclue Ultimate Spider-man sans l’avoir encore lu, c’est très simple. Comprendre comment se termine les autres sagas Ultimate, c’est une autre paire de manche. Ce que j’ai saisi, c’est qu’il y a l’évènement Ultimatum qui sera un tournant, presque une conclusion pour certains personnages. C’est un évènement catastrophique qui fera mourir beaucoup de héros, en particulier chez les X-men mais pas uniquement, un peu pour élaguer un peu tout ceux dont les auteurs ne savent pas quoi faire et en même temps redistribuer les cartes. Ultimate Spider-man se concluera en 2011 avec l’arc sobrement intitulé la mort de Spider-man. Je ne sais pas quelles séries paraitront encore dans les années qui suivent ni si ce sont des réussites ou non (d’après ce que j’ai pu lire ci-et-là, pas trop, dans l’ensemble). Je sais seulement que Bendis continuera malgré tout à écrire dans l’univers en faisant naître Miles Morales et en lui faisant endosser le costume de Spider-man. C’est très cool et en même temps, j’ai aussi lu des critiques peu enthousiastes avec ces comics, notamment à cause du fait que l’auteur était beaucoup moins tendre avec Miles et que ce dernier en prenait bien trop dans la gueule. Je suis curieux de découvrir ça malgré tout.
Après c’est du comics Marvel, donc ça finira forcément en bordel. L’univers Ultimate prendra fin mais après un crossover avec l’univers classique. Idem pour Miles qui finit même par vivre dans la dimension classique. Bref, retenez juste que tout ça se termine en 2015 et que sans avoir lu, je n’y comprends plus rien. Retenez aussi que malgré le relatif échec de l’univers Ultimate, et je dis ça avec des pincettes pour ne pas énerver les potentiels fans (mais aussi parce que ça a duré 15 ans ces conneries), eh bien c’est un comble puisque ce sera une grande source d’inspiration pour le MCU qui lui, quoique j’en pense (globalement beaucoup de mal) est loin d’être un échec. Les designs des personnages comme Nick Fury, Hawkeye ou Captain America sont directement repris de Ultimate et c’est le cas aussi pour certaines storylines.
En lisant simplement Ultimate Spider-man, dites-vous simplement que non seulement vous lirez surement le meilleur comics tiré de cet univers, mais qu’en plus le reste est parfaitement intégré. On a vraiment la sensation de voir Peter évoluer dans un monde plus dense qu’on ne le voit dans ses récits. Ses rencontres avec les autres super-héros sont toujours impactantes, et le personnage de Nick Fury est sincèrement très réussi, entre menace et allié pour notre héros. Quand on lit Ultimate Spider-man, ça donne envie de s’intéresser au reste de l’univers… Quelque chose qu’il ne faut pas forcément faire…