
Aujourd’hui, nous allons parler longuement de Sonic. Mais avant, tel un Frederic Beigbeder de la blogosphère, on va parler de moi, ou plutôt de mon histoire avec Sonic. Parce que Sonic, c’est cool. C’est un personnage qui représente la rapidité, l’insouciance, et une forme de rébellion avec son sourire en coin malicieux, plongé dans des mondes colorés et joyeux avec ce ciel bleu qui représente, pour moi, une partie de l’identité de Sega. Le design entier de l’univers de Sonic est accrocheur et peut donner envie à n’importe quel enfant de s’essayer à la série. Ça a toujours été mon cas, du moins, sauf que je ne pouvais pas y jouer. Enfant malheureux, condamné à longtemps jouer sur console Nintendo avec des licences médiocres telles que Zelda, Mario ou Banjo Kazooie. Je n’avais pas accès à Sonic. Je le voyais de loin, sans pouvoir l’incarner. Pourtant, on connaît l’histoire. Sonic a fini par arriver sur console Nintendo avec la Gamecube, mais je ne sais pas, ce ne sont pas des jeux que mes parents m’offraient, et je ne pouvais que brièvement y jouer chez des amis, forcément, infiniment plus heureux en conséquence. C’étaient des Sonic en 3D. Je le précise, car, curieusement, je ne suis pas sûr d’avoir connu l’existence de la licence sur Megadrive, enfant.
Depuis, j’ai pu me rattraper. Faire quelques épisodes plus ou moins appréciés au fil des ans, ainsi que la trilogie Megadrive et un constat s’impose : si ces épisodes en 2D sont de bons jeux, ce ne sont pas ceux qui m’attiraient enfant. C’est pour cela que je souhaite plutôt m’attarder sur les épisodes 3D. Parce qu’à chaque fois que j’y joue j’ai le sentiment de réaliser un fantasme de mon enfance. Qui plus est je trouve la série fascinante dans sa volonté de se renouveler de cette façon. Et tout commence avec Sonic 3D Blast…
Non, je plaisante. Je n’ai pas fait cet épisode et je m’en fiche un peu. M’enfin pourquoi pas un jour m’y pencher, mais cela signifiera que je serai sérieusement en manque. L’épisode majeur qui lancera véritablement le personnage dans un monde en 3D, c’est Sonic Adventure (sorti en 1999 en occident).
Sonic Adventure : Démo technique et évolution de la licence
Il s’agit d’un jeu d’une grande générosité, toujours aujourd’hui. Non content de simplement se limiter à transposer des niveaux de plateforme dans un monde en 3 dimensions, Sonic Adventure est un jeu avec un scénario, des cinématiques, un hub plutôt grand qui relie les niveaux, 6 campagnes, et autant de gameplay différents. Il faut dire aussi qu’en 1998, Sonic Adventure est un jeu de lancement de la Dreamcast et qu’il a la lourde tâche d’être à la fois une démonstration technique de la console et l’évolution la plus importante pour la saga de Sega (hihi) jusqu’ici. Si les modélisations faciales des personnages en cinématiques sont à la ramasse aujourd’hui, tout le reste me parait techniquement toujours impressionnant. Je trouve également fascinant le fait d’avoir tant voulu développer le scénario avec une intrigue qui reste présente tout du long et une interconnexion entre les différentes campagnes. Imaginez, c’est comme si je vous disais que Mario 64 était un jeu où l’on incarnait Mario, Peach, Yoshi, Luigi, etc. et que l’accent est mis sur l’histoire. Ça parait absurde aujourd’hui, mais c’est pourtant la direction prise par Sonic Adventure, et je la trouve remarquablement maîtrisée à tel point qu’elle a su l’ajouter à l’identité de la licence. Si le tout est transposé dans un monde réaliste, on garde pas mal d’éléments iconiques de la série jusqu’ici (les personnages, les rings, les animaux à sauver). Puis surtout on garde visuellement un esprit coloré, vivant et joyeux propre à Sega : il suffit de voir le premier niveau Emerald Coast et d’écouter les musiques pour s’en convaincre.
Un petit point par campagne maintenant :
-Sonic est rapide, maniable et honnêtement jouissif à incarner. La homing attack marche parfaitement et quand on enchaine bien, c’est super plaisant. L’histoire est plutôt cool aussi. Le level design n’est pas mémorable mais il est pensé en respectant cette idée héritée des épisodes en 2D où il y a toujours plusieurs chemins qui débouchent toujours sur un segment commun. Elle est agréable également parce qu’on sent de la retenue dans la difficulté, justement parce que c’est une toute nouvelle façon d’appréhender les niveaux. Le titre est donc une promenade de santé, mais réfléchie comme telle. A noter que c’est aussi la campagne la plus longue. Elle peut s’étaler sur 3 heures, là où les suivantes ne dépassent que rarement l’heure de jeu.
-Tails : Une campagne à l’image de son personnage. C’est mignon, amusant, et pas très difficile. On retrouve les niveaux de Sonic mais avec d’autres chemins et la possibilité de voler. Dans chacun d’entre eux, l’objectif est de faire la course contre un autre personnage. Il y a un certain plaisir à mettre une branlée à Sonic en cassant complètement le chemin « normal ». Un peu court, et le scénario fait redondant par contre.
-Knuckles : Plutôt très cool à contrôler et je crois que je me suis fait au concept. Knuckles peut planer et s’accrocher aux murs. Son objectif est de trouver 3 morceaux d’émeraudes cachés aléatoirement dans les niveaux. Encore une fois, ça change, et ce n’est pas plus mal (surtout que contrairement à sa suite, il y a peu de problèmes de caméra).
-Amy : Presque la pire campagne. C’est mou, pas très agréable à contrôler et ce sont les niveaux où j’ai eu le plus de bugs de caméra. Surement une des plus courtes aussi. J’aime quand même bien le concept du robot Nemesis. Encore une curieuse idée finalement. On traverse des niveaux linéaire plus proches de ceux de Sonic, mais on est aussi poursuivi quasiment constamment par un grand robot impossible à vaincre qui cherche à nous capturer. Dans les faits, ça ne présente pas un grand challenge puisqu’on peut l’étourdir d’un simple coup de marteau et que ses attaques sont plutôt lentes.
-Big the Cat : Je n’ai pas les mots pour décrire cet enfer. C’est un mini-jeu de pêche. Court, heureusement. Même en sachant à quoi m’attendre, en tant que jeu de pêche, j’ai trouvé ça mauvais. Les perspectives sont claquées, on ne comprend jamais vraiment comment contrôler la ligne avec le stick. Et Big est juste teubé, mais ce n’est pas rigolo. Il est lent, mou et honnêtement inutile. On a juste l’impression de perdre notre temps, tant en cinématiques qu’en jeu.
-Gamma : Sa campagne est bien trop courte, alors que le personnage est rapide et que le concept (bien que bordélique) fonctionne pas mal. En maintenant la touche de tir appuyée, Gamma cible automatiquement les ennemis et on peut traverser les stages à toute vitesse en faisant littéralement tout exploser sur notre passage. Toujours un plaisir, et malgré la mise en scène vieillissante, son histoire est également un peu touchante.
Il y a enfin une dernière campagne à débloquer qui vient boucler totalement le principal arc narratif. C’est un peu la première itération de ce qui deviendra une tradition dans la série, à savoir un combat de boss en plusieurs phases, une montée en puissance de Sonic (je ne veux pas vous spoiler, mais c’est vraiment « super ») et le tout accompagné par un morceau rock entraînant reprenant le thème principal du jeu et souvent (mais pas toujours) composé par le groupe Crush 40. Le boss final n’est pas très intéressant mécaniquement (aucun n’est très réussi dans le jeu d’ailleurs) mais son enrobage au niveau de la mise en scène et de la musique en fait un moment marquant.
Plus de 20 ans plus tard, il est normal de voir que Sonic Adventure a vieilli sur quelques aspects, notamment ses animations faciales (je vous jure, c’est parfois angoissant), mais dans l’ensemble le jeu est toujours faisable et très plaisant aujourd’hui. Je le trouve même passionnant pour sa générosité mais aussi pour son aspect expérimental. Et puis j’ai beau me moquer de certaines cinématiques, le simple fait d’en avoir autant avec le moteur du jeu et une mise en scène finalement plutôt efficace en termes de découpage m’impressionne et m’intéresse bien plus que ses failles.
Sonic Adventure 2 : La formule épurée
Trois ans plus tard, les choses ont bien changé. Financièrement, Sega va mal suite à l’échec de la Dreamcast et des coûts qu’elle a engendrés. Le créateur de console, décide donc de devenir exclusivement éditeur de jeux quel que soit le support (sans parler du marché des bornes d’arcade au Japon). Alors même que la fin de commercialisation de la Dreamcast a déjà été annoncée, quelques mois plus tard, en juin 2001 sort Sonic Adventure 2, non pas en tant que sauveur, mais comme un des derniers cadeaux pour les possesseurs de la console (Shenmue 2 sortira aussi la même année). A noter que les deux Sonic Adventure sortiront un peu plus tard sur Gamecube.
Après le laboratoire d’expérimentations qu’était le premier Adventure, sa suite fait le tri dans les campagnes et décide de ne garder que le meilleur. Il n’y a d’ailleurs plus que deux campagnes : celle des héros, et celle des vilains, dans lesquelles on alterne entre les personnages et donc entre les types de gameplay. Exit le gameplay de Big, Amy et Tails. L’objectif est de faire un jeu plus resserré, et mieux rythmé. Objectif atteint à mon avis puisque le titre enchaîne les stages sans temps morts et avec des cinématiques mieux animées que celles du premier qui viennent régulièrement ponctuer l’aventure.
Cinématiques qui viennent mettre en valeur un scénario qui veut à tout prix être cool. Entre l’Etoile de la Mort de Eggman qui menace la planète ; le tout nouveau rival de Sonic, Shadow qui est considéré comme la forme de vie ultime (un hérisson noir sur roller…il y a un twist ceci dit) ; la rencontre avec le Président des Etats-Unis et bien sûr un début de romance conflictuelle entre Knuckles et Rouge the Bat… C’est un peu over the top, un peu cheesy et ridicule, mais toujours divertissant. Un peu à l’image des chansons des jeux, quand on écoute les paroles. C’est difficile de ne pas se moquer (holala les thèmes de Knuckles dans SA2) mais au final on finit par les chantonner dès qu’on les réentend.
J’ai clairement de l’affection pour cet aspect. Le scénario et les musiques sont développées avec sincérité et c’est devenu avec le temps des raisons pour lesquelles je relance régulièrement certains titres. Malheureusement, si j’ai su développer un vrai affect pour le premier Adventure alors que j’ai dû le faire pour la première fois en 2017, je ne peux pas en dire autant du 2. J’avais enchaîné les épisodes cette même année, et j’avais été très déçu par celui-ci. Pourtant, en le refaisant cette fois-ci, je voulais y croire. Lui redonner sa chance, en sachant ce qui m’attendait (un peu comme la campagne de Big, dans le premier, sans succès non plus). Je trouve toujours le jeu très moyen et infiniment moins bon que son prédécesseur.
C’est simple, pour résumer, il y a deux tiers du jeu que je n’aime pas. Les niveaux de Tails et Eggman sont aux mieux ennuyants, au pire, mal fichus comme le dernier de Tails. Qui plus est, aucune surprise par rapport au premier Adventure puisque le gameplay est repris de Gamma sauf qu’il est plus lent et plus mou.
Quant à Knuckles et Rouge, c’est pareil, ça reprend la formule de Knuckles mais en plus laborieux. Le radar ne donnant les alertes que trésor par trésor, on se retrouve à faire des allers-retours dans des niveaux qui ne m’amusent pas du tout et qui manquent de clarté (le dernier de Rouge, houlà quel enfer).
Restent les niveaux de Sonic et Shadow, qui eux, oui, sont chouettes, mais ce sont aussi les plus courts et il n’y en a que 4 ou 5 par campagne. Donc quand je dis que j’aime 1/3 du jeu, c’est déjà gentil parce que finalement en temps réel ça représente plus 1/4 de l’ensemble. Et encore, je trouve là encore le dernier niveau de Sonic soporifique à base de rails (un aperçu de certains stages de Heroes) et celui de Shadow, avec ses tours gravitationnelles, ultra bancal en termes de maniabilité.
Bien sûr on pourra me rétorquer que les niveaux de Shadow et Sonic sont donc au nombre total de 10, soit le même nombre que la campagne de Sonic dans le premier jeu. C’est vrai, sauf qu’ici ces niveaux sont noyés dans la médiocrité des autres, plus longs donc, alors qu’auparavant c’était bien la campagne de Sonic la plus conséquente, grâce aussi à la présence du hub, ici absent. Notons également que ces niveaux sont beaucoup plus linéaires que dans le premier. Une façon de mettre en avant la mise en scène avec des séquences mémorables comme City Escape (qui est toujours la meilleure introduction de la saga) ou Metal Harbor mais qui explique aussi le sentiment d’en avoir trop peu.
Nul doute que quiconque ayant découvert cet épisode plus jeune sera capable de passer outre ces défauts. L’aventure restant généreuse, avec son scénario over the top, ses musiques fantastiques et son rythme soutenu, il y a même une part de moi qui apprécie le titre, mais jamais pour ses séquences avec Tails/Eggman ou Knuckles/Rouge. Au final, impossible pour moi de ne pas le considérer comme une déception, surtout en le faisant après le premier Adventure que je ne cesse d’apprécier. J’ajoute également que je n’ai toujours quasiment pas joué avec les Chaos (sorte de mode tamagotchi en plus élaboré et plus riche). Je sais que c’est une feature importante et très chouette, mais je n’étais pas dans le mood. J’ai tout de même conscience que j’aurais surement beaucoup aimé étant plus jeune.
Nouveaux supports, nouvelles formules
Malgré mes réserves sur le second, dans l’ensemble, ces deux épisodes sont accueillis très favorablement par la presse et les joueurs. Contrairement à ce que l’on peut entendre ci-et-là, et malgré des spin off bancals ainsi qu’un 3D Blast anecdotique, la transition vers la 3D s’est déroulée sans gros accrocs. Mieux, l’arrivée sur d’autres supports que les seules consoles Sega permet à la licence de s’ouvrir à un public plus large.
Pourtant, Sega changera radicalement de formule quand il s’agira de développer Sonic Heroes (2003), à savoir le premier jeu à sortir en même temps sur plusieurs supports dont aucun n’est de leur création. Un jeu coloré, festif, dont le gameplay repose sur le fait d’incarner trois personnages constamment et de pouvoir changer à la volée. Une formule qui n’a pas fait l’unanimité et qui apporte son lot de problèmes et d’imprécisions pour un jeu qui délaisse complètement son scénario et l’univers « réaliste » des Adventure.
Deux ans plus tard, Shadow the Hedgehog (2005) aura lui-aussi une nouvelle proposition. Si le gameplay mélangeant course et shoot ne brille jamais totalement (sans être foncièrement raté non plus), sa campagne très courte reposant sur des embranchements en fonction de la façon dont on choisit de terminer chaque niveau est intéressante et apporte une rejouabilité et un contenu plus conséquent qu’on ne pourrait le penser au premier abord.
Des formules différentes et des tentatives pas forcément abouties, mais sur lesquelles je ne m’attarde volontairement pas trop longuement. Nous reviendrons dessus (peut-être) dans un prochain article (peut-être).
Sonic the Hedgehog : Le véritable Adventure 3 qui ne dit pas son nom
Ce qui nous amène donc à 2006. L’année redoutée que vous voyez arriver depuis le début de cet article, comme une date inévitable dans l’histoire du hérisson bleu ; l’année de Sonic the Hedgehog.
Oui, cet épisode qui s’appelle sobrement Sonic the Hedgehog, aux nombreuses promesses, ne serait-ce que dans le titre qui ne signifie non pas un reboot de la licence, mais que s’il n’y en a qu’un à retenir, c’est celui-ci. Terrible présage, puisqu’au final le public le retiendra bien. Pire, il deviendra indissociable de l’image désormais dégradée de Sonic. Vous avez peut-être entendu parler du « Dark Age of Sonic » sur internet. Une appellation dont se servent les « fans » pour ranger un peu aléatoirement les épisodes qu’ils considèrent comme mauvais. Les dates et les titres dépendent finalement des goûts de chacun mais une chose est sûre : si l’on considère que Sonic a bien vécu un Dark Age, on y trouvera inévitablement Sonic the Hedgehog (qu’on renommera Sonic 2006 ou Sonic 06 par la suite).
Devenu malgré lui presque culte au fil du temps à cause de nombreux Youtubeurs qui en font des vidéos pour s’en moquer, toujours aujourd’hui, même les joueurs qui n’ont pas fait cet épisode connaissent des éléments caractéristiques du titre : les bugs en tout genre, les temps de chargements incessants, le design réaliste des pnjs, le légendaire « it’s no use ! » de l’affrontement contre Silver ou encore le fameux baiser entre Sonic et la Princesse Elise… Mais tout ça, finalement est-ce vraiment représentatif de l’aventure ?
Il y a trois campagnes dans l’aventure, et donc comme pour le premier Sonic Adventure, autant revenir rapidement dessus.
La campagne de Sonic est de nouveau la plus longue et nous propose certains niveaux qui pourraient être assez chouettes, mais seulement s’ils étaient dans un autre jeu Sonic, un jeu fini, lui. Les idées et parfois le design sont présents mais l’exécution souffre d’un manque de précision capable de rendre fou (mention spéciale aux segments « vitesse » dans lesquels on ne peut pas freiner). Les stages sont plutôt longs et se retrouver à perdre toutes ses vies sur une section injuste est fréquent et rageant. Passé un certain stade, quand je démarrais une nouvelle mission, c’était avec anxiété et appréhension. Pourtant la variété est présente et les chemins annexes sont nombreux, mais on finit toujours par se heurter à un bug ou une imprécision de gameplay. A côté de ça, tout ce qui se déroule dans le hub semble avoir été fait de façon aléatoire. Je pense évidemment à cette quête où le capitaine de la garde nous demande de retrouver le capitaine de la garde (??) entre trois temps de chargement. C’est confus, labyrinthique, pauvre visuellement et certaines missions annexes ne le sont absolument pas.
Celle de Silver commence en étant fonctionnelle (c’est le meilleur compliment que je puisse faire à propos du gameplay) mais devient vite redondante et ennuyante. Il s’agit du personnage le moins rapide, et tous ses niveaux sont axés sur les combats avec ses pouvoirs de télékinésie. Problème là encore, c’est loin d’être assez précis et le framerate est en chute libre à chaque ennemi croisé. Cette idée de pouvoirs repose entièrement sur le fait que le jeu soit très fier d’utiliser le moteur Havok pour simuler la physique avec les objets. Sauf qu’il est ici mal pensé, et mal optimisé. Enfin, un souci inédit à la campagne de Silver est le fait que le level design (pourtant correct avec Sonic et Shadow) est catastrophique ici et on ne comprend pas toujours où aller alors que les zones ne sont pas spécialement grandes.
Pour finir, la campagne de Shadow est la meilleure. Non seulement parce qu’elle enchaîne les niveaux sans nous faire constamment repasser par le hub (nous évitant de nombreux temps de chargement) mais aussi parce qu’elle est la mieux équilibrée entre combats, plateforme et vitesse (sans être aussi rapide et incontrôlable que Sonic). Après ça reste une qualité à voir sur l’échelle globale de Sonic 06. Puis malheureusement, après les deux précédentes campagnes, ses maps font vraiment redite.
Parmi la rage, les larmes et le mal de tête lié aux 14 fps subsiste pourtant une vraie affection pour Sonic 06. La même que je pouvais avoir pour les Sonic Adventure et leur volonté de raconter une histoire qui se prend au sérieux et qui se croit si « cool ». Preuve en est, j’ai été incapable de jouer à autre chose pendant 3 ou 4 jours (heureusement, il est relativement court). L’histoire peut sembler étrangement basique pendant la campagne de Sonic puisqu’elle repose uniquement sur l’alternance entre la romance entre le hérisson et Elise qui semble s’être inspirée des plus grands films romantiques (comme L’Attaque des Clones) et les nombreuses fois où la Princesse se fait kidnapper par Eggman (quand ce n’est pas elle qui décide de se livrer).
Les campagnes de Shadow et Silver rajoutent cependant beaucoup d’éléments pour former une histoire de vengeance, de trahisons et de voyages dans le temps, jusqu’à atteindre un climax radical suivi d’un dernier acte jouissif scénaristique. Dernier acte qui se révèle une fois que l’on a terminé les trois scénarios principaux et qui nous fait incarner tous les personnages jouables dans un long niveau, suivi du boss de fin simpliste mais épique (et on ne va pas cracher sur une séquence qui fonctionne). Petit aparté, d’ailleurs quand je parle de « tous les personnages » puisqu’au final, on incarne principalement Sonic, Shadow et Silver dans leurs campagnes respectives, mais le titre a aussi la bonne idée de nous faire jouer d’autres compagnons dans de courts segments au sein des niveaux. Une façon de plus ou moins retrouver les gameplay différents de Tails, Knuckles, Rouge, Omega, Amy et découvrir la nouvelle Blaze the Cat.
Pour revenir sur l’histoire, elle est parfois ridicule mais on la suit toujours avec amusement. Soit pour sa mise en scène cheapos, soit pour l’interprétation des acteurs qui tombe souvent à côté, et parfois parce qu’au fond, oui, c’est un peu cool. Oui, c’est un peu cool d’assister à la fin du monde et de voir Silver remonter le temps pour empêcher l’apocalypse de se produire. Oui, c’est un peu cool d’avoir un vilain qui va adopter l’apparence de la seule forme de vie présente au moment opportun, à savoir Shadow, et ainsi naître littéralement dans son ombre. Oui c’est un peu cool de voir Sonic se faire buter par Mephiles the Dark provoquant la fin de l’espace-temps, et de voir chaque personnage aller chercher une chaos emerald pour le faire revivre. Et tant pis s’il faut passer par ce fameux bisou gênant avec la Princesse, la scène est réussie quand même et les enjeux sont beaucoup trop cool. Qui plus est, l’aspect interconnecté des différentes campagnes est toujours une façon originale de raconter tout ça.
Quand je repense à tout cela, le constat est simple et terrible à la fois… J’aime beaucoup trop ce jeu. Il représente une forme ultime de tout ce que j’aime chez les Sonic en 3D. Ajoutez à ça une bande son absolument dingue, et mon cœur est conquis. Seulement, c’est un amour impossible, parce que j’ai aussi bien conscience que le jeu, sur tous ses autres aspects, est une catastrophe. Le gameplay est raté, le jeu n’est pas plaisant, et il m’est impensable de relancer le titre malgré toute l’affection que je peux avoir. Ce ratage s’explique grandement par un manque de temps de développement. Sega voulant sortir le jeu pour les 15 ans de Sonic, il est donc sorti en 2006 faisant ainsi l’impasse sur les rapports de test lors du développement et après avoir déjà divisé la Sonic Team en deux (l’autre équipe était partie s’occuper de Sonic and the Secret Rings sur Wii). N’oublions pas qu’il s’agissait aussi d’un développement sur de nouveaux supports avec lesquels il fallait se familiariser (360 et PS3). Repousser le jeu d’un an n’aurait sûrement pas été de trop, et aurait pu sauver le jeu. Il aurait pu devenir Sonic the Hedgehog et assumer son statut non avoué de Sonic Adventure 3. C’est ce qu’il est pour moi. Après tout, on retrouve plusieurs campagnes, plusieurs gameplay, un level design des niveaux de Sonic assez proche du premier Adventure, un scénario catastrophe qui se prend au sérieux, un hub avec des pnjs humains, un dernier acte à débloquer après avoir terminé les précédents, … Bref, son modèle c’est Sonic Adventure, et bien plus le premier que le second.
Bien sûr aujourd’hui, j’en veux beaucoup à Sega d’avoir rushé le développement et d’avoir sorti le jeu dans un tel état. Mais ce n’est pas le seul reproche que je veux leur faire. L’éditeur est aussi incapable de faire la part des choses ou d’assumer leurs échecs. Ainsi, après le mauvais accueil de Sonic 2006 par la presse et les joueurs, Sega a décidé d’abandonner simplement cette formule Adventure. Comme s’ils étaient inconscient de l’état du jeu, et qu’ils voyaient juste les notes en concluant que les joueurs ne voulaient plus de cette recette. Ce sera donc la dernière fois qu’on aura un tel scénario dans un jeu Sonic, la dernière fois qu’on aura cette construction avec différentes campagnes. Incapable d’assumer cet échec, et d’essayer de corriger le tir avec un futur jeu, ils ont choisi de tout jeter à la poubelle. Je vous jure que ça me brise le cœur, alors même que j’aime certains des jeux qui sortiront par la suite.
Sonic 2006 méritait mieux. Les développeurs méritaient plus de temps et plus de moyens. Je n’y rejouerai pas de sitôt, et je comprends qu’on puisse s’en moquer. Il a de quoi. Je n’ai même pas mentionné ce doubleur en intercom qui va redire sa ligne de dialogue deux fois, parce qu’il bégaie à la première tentative. Ou alors ces glitchs connus des joueurs pour se faciliter la vie comme le fait de pouvoir voler à l’infini avec Omega en matraquant la touche de saut, ou se pousser à travers un mur avec la télékinésie de Silver pour éviter un des pires mini-jeux de l’aventure. Oui, c’est drôle… mais au final ça me laisse surtout un goût amer.
Le sauvetage des fans
Seul espoir dans cette triste conclusion : Project 06. Un remake de fan (ChaosX, qui n’est d’ailleurs pas fan puisqu’à la base il ne pouvait pas jouer à Sonic 2006 et c’est pour cela qu’il s’est lancé dans ce projet) qui s’est donné pour objectif de recréer entièrement les niveaux du jeu original sous Unity et sur PC et d’en profiter pour « corriger » le gameplay. Le résultat est la preuve que les niveaux étaient effectivement plutôt réussis et avaient des idées chouettes, puisqu’ils deviennent très plaisants à traverser. A l’heure actuelle tous les niveaux de Sonic et de Shadow sont disponibles, ce qui est déjà très impressionnant. Mais ce ne sont que les niveaux. Il n’y a ni hubs, ni cinématiques, ni scénario pour les accompagner, et il n’est pas certain que ChaosX ait envie de refaire toutes ces parties. Il n’est donc pas certain qu’on ait droit un jour à l’expérience complète réussie.
Toujours est-il que c’est déjà formidable d’avoir un tel remake fait par une si petite équipe. Dans le même ordre d’idée, sachez que la ressortie de Sonic Adventure DX sur PC et Gamecube avait changé plein de petits éléments du jeu original à commencer par une bonne partie de la direction artistique et la modélisation des personnages. Aujourd’hui, grâce au travail formidable de moddeurs, on peut jouer à la version DX sur steam mais avec une série de mods qui s’efforcent de restituer le plus fidèlement possible le visuel de la version Dreamcast.
Une telle communauté existe, parce que ce sont des jeux qui marquent, qui ont une identité, qu’on l’aime ou non. J’ai beau être trop critique avec Adventure 2 et sûrement pas assez avec 06, ce sont des titres que je ne rejetterai jamais totalement. Le premier Adventure reste à mon sens le meilleur épisode (parmi ces trois-là) et le plus ambitieux. Je souhaitais en parler aujourd’hui et ensemble parce qu’il me semble sincèrement y voir une formule commune et un cercle vertueux (ou vicieux au choix) qui se dessine quand je lance l’un d’entre eux. Après avoir terminé 06, je n’avais qu’une envie, c’était de refaire Sonic Adventure, et impossible de terminer ce dernier sans vouloir lancer sa suite. Je regrette que ces trois jeux ne soient finalement pas plus nombreux ou juste plus réussis mais surtout la façon qu’a Sega de bâcler ses développements. Si l’on sait que la période menant à Sonic Adventure 2 fut très compliquée (et triste concernant Isao Okawa) pour l’éditeur, je ne suis pas certain que ce soit le cas pour la période autour de 2006.
Qu’on le regrette ou non, toujours est-il que la saga se renouvelle constamment pour le meilleur comme pour le pire et qu’il est parfois difficile de trouver deux jeux Sonic qui se ressemblent. Pourtant il existe bien une autre formule qui a posé des fondations pour plusieurs titres : la formule « boost »…
